Mon Polo (I) – Ahmad X DJ Bionic

Ahmad, c’est un peu l’agent GDF Suez du rap français. Comprenez par là le type sorti de nulle part qui un jour a débarqué à la maison, a maté  un peu l’installation plus très actuelle et a fait : « Wow wow wow, ce robinet de gazinière là, il est périmé depuis 2004. Va falloir songer à réparer tout ça, parce que le danger est grave et immédiat ». Il a plusieurs albums absolument méconnus à son actif, et un petit succès d’estime auprès de la niche constituée de ceux qui s’y connaissent un peu plus que les autres en rap français. Déjà en 2008, il livrait à l’Abcdr l’interview la plus couillue et intéressante qu’on avait pas lue depuis un bail. Mais tout ça, je n’en sais rien encore. La claque n’arrivera en plein dans ma gueule de puriste merdeux des années dorées du rap français que fin 2011, et elle laissera des marques puisqu’en quatre morceaux, ce mc montpelliérain a réussi à renverser toutes les conventions du rap français depuis 10 ans et à prouver que non, le rap c’était pas mieux avant. Parce qu’avant, il était pas là.

Premier morceau de ce que j’appelle désormais le « quadriptyque des X », deuxième titre découvert en ce qui me concerne,Mon Polo’ nous ferait volontiers dire que Booba c’est de l’antiquité, et qu’il va avoir besoin de vendre beaucoup d’albums pour se racheter des punchlines d’un calibre plus élevé que du 0,9mm, parce que Ahmad lui ne s’embête pas d’un Beretta quand il peut se trimballer tranquille avec un canon anti-aérien. Basé sur une phase culte (« Et sur mon polo, des impacts de balles forment mon logo ») lâchée par un rappeur culte sur un morceau culte, le titre multiplie les phrases marquantes et identifie immédiatement le style inimitable du mc : remettre la forme au service du fond. « Moi je suis né dans une ronce, Marianne dans une fleur de Lys ». Il y a dix mille façons d’exprimer une idée, Ahmad choisi celle qui claque le plus. « Mes idées germent, esclave moderne, je brise mes chaînes avec une main de maître « . Proche de Ill dans le phrasé, de Booba et de Dany Dan dans la façon de construire des métaphores multiples, totalement original dans ses interjections sorties d’on ne sait où, il montre que détourner une expression est un art, et qu’il en maitrise chacune de ses facettes. « Un siège sur mon majeur, je pose un piège, et laisse le ciel aux rageuses. Nouveau Sinatra, bande d’arlequins, votre révolte s’échoue sur un filtre marocain, c’est tout ». Un chauve armé d’un gun a dit un jour lors d’un éloge funèbre que son hip hop n’était qu’un puzzle de mots et de pensées, il n’a jamais dit aussi vrai.

C’est là toute la réalité du rap d’Ahmad qui transpire dans ce morceau qui dégage déjà de forts relents d’intemporalité, dans sa version originale clippée comme dans sa version remixée de manière aussi géniale que planante par Lartizan. « Ce soir Damoclès m’a rasé de près ».

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